Elaine Welteroth a fait de Teen Vogue, un magazine américain en perdition avant elle, la voix de toute une génération montante. Et lui a ouvert la voie d’un vrai succès public. Cette directrice de rédaction surdouée a la trentaine à peine entamée, et se révèle déjà très grande.
LA BIOGRAPHIE EXPRESS D’UNE SURDOUÉE
À tout juste 34 ans, Elaine Welteroth est la directrice de la rédaction de Teen Vogue et la seconde femme noire à la tête d’une publication de cette renommée. Poignée de main fine mais ferme, sourire Ultra Brite et coiffure afro : dans la rue, elle aimante tous les regards. En seulement trois ans, les médias américains en ont fait une personnalité incontournable : le New York Times a d’ailleurs très vite dressé son portrait. Anna Wintour n’y est pas pour rien. La papesse de la mode au carré figé a du flair, puisque depuis sa nomination, le magazine pour ados, lancé en 2004, a entamé une petite révolution. Jusqu’alors, difficile de le différencier d’un magazine du même genre, comme Seventeen ou Cosmogirl, qui s’adressent majoritairement à des jeunes filles blanches, passionnées par la beauté, la mode et la conquête du sexe opposé.
Limité à quatre publications par an et une présence accrue sur le digitaln le magazine Teen Vogue entend produire un media plus engagé. Pour y parvenir, il a suffi de tendre le micro à cette génération socialement consciente comme le suggère sa directrice de la rédaction. Conséquence : on n’hésite plus à traiter des sujets plus politiques comme lorsque le site a couvert, cet été, les évènements de Chicago par le biais de témoignages de jeunes au cœur des émeutes.
UNE CONTEUSE D’HISTOIRES
Autre impact de cette évolution : les nouvelles « cover girls » sont des jeunes femmes issues de la diversité, développant une voix singulière dans la communauté et qui veulent se faire entendre, à l’image de l’actrice et activiste Amanda Stenberg. A 21 ans, celle qui a été révélée pour son interprétation du personnage de Rue dans Hunger Games a également dévoilé publiquement sa bisexualité en 2016 et pris position pour l’égalité des droits LGBT.
UNE JOURNALISTE DANS LE VENT ET ENGAGÉE
Elaine Weltroth est une sorte de figure titulaire chaleureuse et abordable qui pourrait poser en couverture ? Car, elle a aussi un vrai message à faire passer. Née en Californie, d’un père blanc et d’une mère afro-américaine, elle explique avoir grandi dans un environnement blanc au sein duquel elle ne se sentait pas représentée. Plus jeune, comme sa mère, elle se lissait les cheveux. Personne ne remettait ça en cause, il fallait correspondre aux standards de beauté des Blancs. Mais arrivée à la fac, à force de les tendre à grands coups de fer à lisser, elle finit par les ruiner. Et décide de laisser ses boucles repousser. C’est l’histoire classique d’une jeune métisse noire qui n’assumait pas culturellement et par pression sociale sa nature profonde et finit par s’affranchir de ces carcans. On pourrait en rester là, mais ce serait oublier la détermination et le sens de la narration d’Elaine Welteroth qui, forte de cette idées de changement et d’évolution de la société. Après l’université, elle fait un passage au magazine Ebony, puis elle est embauchée chez Teen Vogue en 2011 en tant que rédactrice en chef beauté. Pour son premier article, elle décide de revenir sur « le chemin qu’il m’a fallu emprunter pour accepter la nature de mes cheveux, et comment j’ai fini par les aimer et moi avec ». Loin des articles de beauté vantant les mérites de tel ou tel produit, elle donne à son regard de journaliste beauté une tonalité quasi politique. C’est une véritable conteuse d’histoires. Elle en raconte au quotidien sur son compte Instagram aux 650 000 followers où, en plus de multiplier les posts traités avec l’appli Boomerang comme bon nombre des digital natives auxquelles elle s’adresse, elle garde un lien avec son lectorat via ses stories.
